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Après la défaite de septembre 1939, la Pologne tombe sous un
régime d’occupation. Sur le territoire attaché au 3ème
Reich, en appliquant un système de presse imposé par Goebels,
on liquida toutes les parutions de langue polonaise et on les
remplaça par des journaux en langue allemande, par ex. à
Katowice «Kattowitzer Zeitung» et à Poznan «Ostdeutsche
Zeitung». Sous le Gouvernement Général, à la place de la
presse polonaise on publia la presse allemande en langue
polonaise. Au départ, elle était prévue uniquement, pour
informer mais très vite elle allait devenir un moyen important
pour influencer la société polonaise, ce qui lui vaudrait le
nom couramment utilisé de presse «gadzinowej» parasitaire
Dans ses pages parurent des articles qui avaient pour
l’objectif: d’affaiblir l’esprit de résistance, de consolider
le sentiment de la défaite et de convaincre la population de
l’inutilité de toute résistance. Huit quotidiens sortaient: à
partir du 11 octobre 1939, sous le GG: «Nowy Kurier Warszawski»
tiré à 200 mille exemplaires, et «Goniec Krakowski» appelé,
Podgoniec, tiré à 60 mille exemplaires (les deux tirages
les plus importants). En 1940, on édita à Cracovie «Ilustrowany
Kurier Polski», à Varsovie «7 Dni» et «Fala» ainsi qu’un roman
qui parut tous les mois. Divers journaux et revues consacrés
à l’agriculture, au jardinage et aussi à d’autres secteurs
d’activité sont également édités. On estime le nombre de
parutions sur le territoire occupé, entre 1939 et 1944, à 50
titres de presse «parasitaire», dont un seul tirage en
1941, atteignit 700 mille exemplaires et en 1944 plus d’un
million d’exemplaires.
Sous l’occupation russe la presse polonise fut totalement
supprimée. Les Autorités Soviétiques mettent à sa place la
presse dite «gadzinowej». A Kiev on continua à faire paraître
en polonais le quotidien propagandiste «Glos Radziecki» à
Tarnopol parrurent «Prawda Bolszewicka» et à Lvov un quotidien
anti polonais «Czerwony Sztandar» tiré à 40 mille exemplaires.
Il existait aussi quelques journaux locaux comme «Wolna Lomza»,
ou à lapy «Iskra». La situation en Lituanie était un peu
différente: à Wilno, et surtout dans sa région, avant qu’elles
ne soient annexées par les soviétiques (en août 1940), on
trouvait quelques journaux polonais dont «Kurier Wilenski» et
«Gazeta Codzienna» qui jouaient un rôle considérable. Une fois
l’occupation russe installée, on les supprima en les remplaçant
par deux quotidiens communistes en langue polonaise «Prawda
Wilenska» et «Prawda Komsomolska».
Face à la récupération de toute la presse polonaise légale par
les occupants, et devant leur volonté de l’utiliser contre la
nation polonaise, la création d’une presse clandestine devint
nécessaire. Elle fut une source presque unique d’information
véridique et une plate-forme de formation des idées politiques,
ainsi qu’un moyen de stimuler le moral de la société polonaise
face à l’ennemi. Ses taches consistèrent tout d’abord : à
informer sur la situation internationale et sur action de
guerre, à publier les décisions des Autorité Clandestines, à
éveiller les sentiments patriotiques, à soutenir la volonté de
résistance ainsi qu’à démasquer les mensonges de la presse
officielle parasitaire. Le Gouvernement Polonais en
exil fut représenté, en Pologne occupée, par la presse
clandestine qui garda la même activité que celle d’avant guerre
en se référant aux organisations politiques et militaires «les
partis et les factions», qui, eux, avaient constitué, alors, la
base du régime en place. Il exista aussi un courant
d’opposition représenté par des communistes, des socialistes
et des paysans radicaux
C’est la presse clandestine de l’organisation militaire «Service
à la Pologne Victorieuse» plus tard AK- L’Armée de
l’Intérieur, qui fut la plus importante. Pas moins de 250
titres, à raison de 200 mille exemplaires par tirage, sortaient
de ses imprimeries souterraines. Au début, la presse
clandestine, à l’échelon supérieur, fut dirigée par le Service
Politique de Propagande, qui plus tard au printemps 1940 se
transformerait en Bureau d’Information et de Propagande. Le
«Bulletin d’Information» fut le phare de la presse BIP-u
(service VI) du Commandement Central ZWZ-AK. Pendant
l’occupation il sortait toutes les semaines, et pendant
l’Insurrection il serait transformé en quotidien avec un tirage
de 25mille à 50 mille exemplaires. Aleksander Kaminski fut le
créateur du Bulletin et son rédacteur en chef pendant plusieurs
années. C’est encore lui qui fut le commandant en chef de «Wawer»
l’Organisation du Petit Sabotage ainsi que l’auteur du
livre, le plus célèbre dans Varsovie occupée, intitulé «Kamienie
na Szaniec» Des Pierres sur le Rempart. Le «Bulletin»
s’adressait surtout aux soldats clandestins, mais de par son
caractère de propagande et d’information, on conseillait
d’utiliser certains de ses articles dans les journaux qui
paraissaient en province. «Wiadomosci Polskie» et «Agencja
Prasowa» ont joué aussi un grand rôle. Leurs articles étaient
reproduits dans des journaux BIP-u, sur tout le territoire
comme à Cracovie dans «Malopolski Biuletyn Informacyjny», à Lwow
dans «Biuletyn Ziemi Czerwienskiej» ou «Swit Polski» dans la
région de «Nowogrodek». Le Servis de la Rédaction des
Publications Militaires Professionnelles BIP-u, édita deux
revues militaires: «Insurekcja» et «Zolnierz Polski» qui,
‘étant des revues d’instruction, s’adressaient à des officiers
plus jeunes. Dans ses pages on abordait l’Histoire, et des
sujets militaires, on commentait aussi l’actualité et la
tactique des opérations sur les fronts.
Une place importante était occupée par des éditions
propagandistes BIP-u, destinées aux citoyens du 3ème
Reich, aux volksdeutsche les habitants du territoire
occupé qui avaient accepté le statut de citoyenne allemande 2ième
catégorie et aux fonctionnaires du régime d’occupation.
L’action (crypt. «N») avait pour bute de déconcerter les
Allemands, de saper leur moral, et de lutter contre la
propagande nazi. Il faut citer, entre autres, les titres comme
«Der Soldat» et «Frontkämpfer». Dans leurs pages on suggérait
l’existence d’une large opposition contre Hitler, au sein de
l’armée allemande. Cette presse - là, s’adressait aussi aux
habitants du 3ième Reich et le journal «Kenst Du die
Wahrheit ?» aux folksdeutche habitant le territoire polonais
occupé
Vers la fin de l’année 1941, BIP (cript. «R») commença une
action dirigée contre la propagande soviétique et communiste. On
édita alors, «Glos Ludu» distribué dans la population paysanne
et «Wolnosc Robotnicza» chez les ouvriers. Hormis les sujets
liés à l’anti-communiste, on y trouva aussi les informations
sur la lutte contre les Allemands et leur propagande.
Parmi les groupes de presse liés aux activités du Gouvernement
Clandestin, existait la presse de la Délégation de RP pour tout
le territoire. C’est le Département de l’Information,
(équivalent civile de BIP) qui la dirigea. «Rzeczpospolita
Polska» fut son titre principal. A partir du mois de mars 1941
il paraissait toutes les deux semaines, avec un tirage de 15
mille exemplaires. L’hebdomadaire «Kraj Agencja Informacyjna» et
mensuel «Documenty Chwili» occupaient, eux aussi, une place
importante.
La
presse de scoutisme Szare Szeregi Les Rangs Gris
destinée à la jeunesse polonaise jouait un rôle particulier.
Parmi 50 titres diffusés sur tout le territoire, il faut citer
«Zrodlo» et «Dzis i Jutro», ce dernier s’adressait aux jeunes
filles et femmes scoutes.
En
même temps que la presse liée directement au ZWZ-AK et à la
Délégation de Gouvernement, il exista une multitude d’autres
parutions politiques. Leurs journaux constituaient une
plate-forme d’échange des idées et de formulation des
programmes politiques.
Pendant l’occupation, la presse du mouvement populaire, compta
plus de 160 titres : « Przeglad», «Ku Zwyciestwu» et «Agencja
Informacyjna «Wies» furent les titres les plus marquants de la
faction «Roch», (un seul tirage sortait 9 mille exemplaires).
«Bataliony Chlopskie» Les Bataillons des Paysans
avaient aussi leur presse. Parmi leurs parutions on remarque
les plus importantes: «Zywia i Bronia» «Somoobrona Chlopska»
et «Chlostra». Plus de 100 éditions clandestines étaient .de
sensibilité socialiste, dont la moitié représentait le Parti
Socialiste. (Wolnosc, Rownosc Niepodlaglosc) L’un des principaux
organes de la presse de PPS - WRN, fut «Informator» publié dès
le mois de novembre 1939. «WRN» et en suite «Robotnik», «Gwardia
Ludowa» et «Plomienie». Camps Nationaliste eut aussi ses
éditions clandestines qui comprenaient à peu près 120 titres. «Szaniec»
fut, dès l’année 1939, le premier titre important conçu, en
collaboration entre la Faction Nationaliste et le Camp
Radicale «ABC». Dans ses pages on luttait contre toutes les
factions de gauche. Après l’appropriation du journal par les
radicaux, on appela les Polonais à se mobiliser contre le
communisme et contre les Soviétiques., «Sprawy Narodu», «Szczerbiec»
et «Warszawski Dziennik» furent ses titres principaux. «Biuletyn
Slowianski» et «Blok Srodkowo-Europejski» ce sont des journaux
qui proposaient une fédération de pays de l’Europe Centrale
(sans Union Soviétique). Un quatrième groupe qui fit parti de
PKP, «Faction Travail» avait des structures le moins
développées, donc ses éditions étaient moins nombreuses. Parmi
elles il faut citer «Glos Warszawy», «Reforma» et «Zryw» dont
les articles faisaient appel à la résistance, et à la solidarité
en Pologne d’après guerre.
Les organisations des «Héritiers de Pilsudski» eurent, elles
aussi, leur presse. Le camp de Pologne en Lutte édita entre
autres «Slowo Polskie» et «Panstwo Polskie». L’organe central de
presse de Convention des Organisations de l’Indépendance était
«Mysl Panstwowa» et «Agencja Polityczna».
Les activités des groupes de gauche révolutionnaire et de
communistes, (1939-1942) furent limités par un manque de
structures, suffisamment développées sur le terrain. Malgré
cela ils éditèrent; sous l’occupation, près de 45 titres de
presse, entre autres «Wolnosc», «Chlop Robotnik» et «Mlot i
Sierp». Au moment de la création du PPR Polska Partia
Robotnicza, en janvier 1942, la situation changea. Le PPR
et les organisations qui lui étaient proches, éditèrent
ensemble, jusqu’en 1944, près de 200 publications clandestines,
dont la portée était toujours limitée. Parmi ces parutions on
en trouve deux principales: «Trybuna Wolnosci» et «Trybuna
Chlopska» qui étaient complétées par des pages imprimées dans
les districts et leurs arrondissements. Des manifestes et des
articles, qui figuraient dans ces pages, appelaient à la Pologne
démocratique où la terre appartiendrait aux paysans, et
proclamaient la nécessité de l’amitié avec l’Union Soviétique
ainsi que le renoncement, en sa faveur, au territoire polonais
de l’Est.
La
presse pendant l’Insurrection de Varsovie est un phénomène à
part. C’est après le commencement de l’Insurrection le 1er
août 1944, que la presse clandestine pouvait, enfin, agir
ouvertement. A peu près de 200 titres parurent au cours de
deux mois de combats. Dans leurs pages on trouvait surtout des
informations sur la Capitale embrasée par les batailles, sur la
guerre en générale, ainsi que sur les dispositions prises par
les pouvoirs insurrectionnels.
L’écoute radio, les communiqués d’agences de presse à
l’étranger, et ses propres informations, telles étaient les
sources d’information de la presse clandestine. Les difficultés
d’imprimerie n’étaient pas négligeables. On manquait
d’équipement technique saisi en grande partie par les Allemands
en 1939. Le fait, que rien qu’à Varsovie on ait réussi à
organiser 150 imprimeries clandestines, est d’autant plus
louable. Le colportage de la presse clandestine joua un grand
rôle. Ce sont, surtout, des femmes qui en étaient responsables.
Elles allaient, au péril de leur vie, aussi bien dans des
endroits secrets en villes, qu’en dehors des agglomérations,
pour joindre les unités de partisans.
La
presse, dans les années 1939-1945, fut concentrée
essentiellement dans les grandes villes du GG. Il existait,
quand même, des réseaux développés sur les territoires annexés
par les Allemands et par les Russes. La parution cyclique des
titres de presse clandestine, (plus de 1500), témoigne de la
volonté incontestable de la nation polonaise de résister aux
Occupants, et de retrouver l’Indépendance. Ce fut le phénomène
unique dans l’Europe occupée.
Dr
Krzysztof Komorowski