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de fondation Brzezie Lanckoronski.
Avant les derniers tirs de la Campagne polonaise de 1939, un noyau d’une future organisation de la résistance, l’Armée de l’Intérieur, fût mis en place à Varsovie. Dans un premier temps appelée Service pour la Victoire de Pologne puis remplacé par l'Union de Combat Armé en novembre 1939, cette organisation se commua en une machine militante redoutable. En février 1942 elle pris son nom définitif d'Armée de l’Intérieur (Armia Krajowa). Une des tâches majeures de l’Armée de l’Intérieur reconnue à son début concernait l’organisation d’une intelligence effective qui coupla le service de ses intérêts et celui de l'effort de guerre allié. Construit partiellement par l’infrastructure d’espionnage de guerre polonaise afin d’établir des contacts, redimensionné et vitalisé pendant l'occupation, le Service d’espionnage de l’Armée de l’Intérieur devient la source principale d'information pour les alliés concernant le Front de l'Est. Le rôle important de l'espionnage a été reconnu par le Commandant en chef de l'Union Armée, Gal K. Sosnkowski lors de sa première instruction de janvier 1940 avec l'officier en charge de la résistance polonaise dont le premier point a été entièrement consacré à l'organisation du service d’espionnage.
Le Bureau de l'Intelligence du quartier général de l’Armée de l’Intérieur a subi plusieurs phases structurelles jusqu'à connaître sa forme permanente en 1942. Ses organisations ont reflétées à bien des égards l'organisation du siège de la direction de l'Intelligence Militaire Polonaise à Londres. Sans être directement subordonnée, elle représentait plutôt le bras armé délocalisé du centre de l'Intelligence Militaire Polonaise basée à l'Hôtel Rubens à Londres.
Reflétant l'organisation du siège de la direction polonaise, le Service de l'Intelligence de l'Armée de l’Intérieur a été établi selon des organisations linéaires strictes. Pendant l’occupation les chefs qui se succédèrent furent: Le Major Wacław Berka “Brodowicz” (1939 – 1942), Lt Col. Marian Drobik “Dzięcioł” (1942 – 1943), Co. Kazimierz Iranek-Osmecki "Makary" (1943 – 1944) et le Lt Col Bohdan Zielinski "Tytus" (1944 – 1945).
Le Bureau de l'Intelligence du quartier général de l’Armée de l’Intérieur a été organisé en départements suivants: le Secrétariat, le Département de la Propagande, le Département d’Analyse Stratégique Militaire, le Département d’Analyse de l'Intelligence Industrielle, le Département des Communications Internes, le Département des Finances et de la Santé, le Département de l'Intelligence, le Département de la Légalisation et de la Technique, le Département du Contre-Espionnage, et la Section 666 qui étaient responsables pour les communications directes entre Berlin–Paris et l’Espagne. Mais de loin le plus important d’entre eux était le Stragan, nom de code du Département de l'Intelligence. En résumé, le service a été divisé selon les territoires et les missions. Ainsi divisé en Section "Ouest" responsable pour le Reich, Section "Nord" responsable de la Poméranie et la Prusse Est, la "Section Sud" qui inclus tout le sud des territoires de Varsovie jusqu’a Vienne, La Section "Est" pour tout l'est des territoires de Varsovie. Ce découpage a duré jusqu'en 1942 après avoir été démantelé par le contre-espionnage allemand. La reconstruction ultérieure par le Service de l'Intelligence Armée reposa sur une division en trois sections distinctes. La première était la Section responsable du Gouvernement Général "52-kk" devenant plus tard "Arkadiusz." La seconde était la Section "Est" ("WW-72", alors "Pralnia"). Et enfin la Section "Ouest" ("Lombard").
Ainsi le réseau d’espionnage de l’Armée de l’Intérieur s’est illustré aussi bien en Pologne occupée que directement dans le Reich, en URSS et dans les pays au sud de la Pologne, alliés de l’Allemagne. Peu à peu s’imposa l’idée que tout cela représentait la principale source d'information de l’espionnage des Alliés. Il fallut attendre 1942 pour que la Grande Bretagne puisse prétendre avoir reconstruit, au moins en partie, son réseau en Allemagne. À partir de cette date et jusqu'à la fin de la guerre leur principale source d'information efficace concernant l'Allemagne et le Front de l'Est provenait du Service d’espionnage polonais de l’Armée de l’Intérieur. Le Service d’intelligence de l’Armée de l’Intérieur envoya entre autres des rapports mensuels d’espionnage au quartier général polonais à Londres qui transitait ensuite vers une section de la liaison de Service de l'Intelligence britannique, pour ensuite finir entre les mains du département anglais concerné ou d’un gouvernement militaire allié.
Le Service de l'Intelligence britannique a réalisé très tôt tout le potentiel du service de leur allié. Et il ne fallut pas attendre longtemps pour qu’un accord soit trouvé avec l’Intelligence polonaise.
Une ligne et des procédures de communications ont été établi par le Service de l'Intelligence britannique afin d’obtenir des informations spécifiques grâce à leurs alliés polonais. Le Bureau de la direction générale des services d’espionnages polonais transmettait les requêtes au Bureau de la direction polonaise qui transmettait ensuite les demandes à la direction du bureau spécial polonais responsable des communications avec l'Armée de l’Intérieur en Pologne occupée. Ainsi la demande aboutissait au quartier général de l’Armée de l’Intérieur à Varsovie. Là, le service d’espionnage sollicitait ses multiples réseaux associés, pour chercher puis rassembler les informations qui étaient ensuite analysée dans le Département des Études puis renvoyé au quartier général polonais à Londres. Là, le Bureau Spécial transférait au Bureau de l'Intelligence qui transmettait ensuite au service de liaison d’intelligence britannique avant d’être distribué selon leur portée en direction de: l'Intelligence militaire, Intelligence de l'Air, Intelligence Navale, Ministère de la Guerre Économique etc. Pendant la guerre l'Intelligence de l’Armée de l’Intérieur a ainsi fournie aux Alliés plus de 25 000 rapports.
Evidemment il n’est pas surprenant que les forces allemandes d'occupation se soient concentrées pour tenter d'infiltrer et casser le Service de l'Intelligence de l’Armée de l’Intérieur. Bien qu'ils obtinrent des succès indubitables comme cet officier supérieur du service qui a été identifié, arrêté puis exécuté (comme les deux premiers chefs de l’Armée de l’Intérieur) le réseau a bientôt été rétabli pour re-fonctionner à plein régime.
Le service d'Intelligence britannique était pleinement conscient de l’étendue du service rendu à la cause alliée par l’Armée de l’Intérieur et a dûment exprimé son appréciation dans l’évaluation de rapports individuels aussi bien que dans les journaux, comme en juillet 1942 quand le service britannique a rendu cet hommage à l’Armée de l’Intérieur:
"Les services d’intelligence polonaise sont notre meilleure source d'information sur l'état du conflit du Front Est. Le renseignement en Pologne a été d’une grande valeur comme ce fait remarquable avec la prise de liste des hôpitaux livrant le nom des sites abritant des allemands blessés. Les rapports sont en général d'un très haut niveau et sont particulièrement appréciés […] Nous pouvons difficilement évaluer l'importance incommensurable de la valeur attachée aux très excellents services qui ont été rendus par cette magnifique organisation dont les difficultés sont facilement imaginées et à qui nous offrons notre très sincères remerciements et vœux pour leur travail passé, présent et futur qui nous le savons, rendra des services capitaux à notre cause commune."
Andrzej Suchcitz